Double Chooz en bref
L'expérience Double Chooz a pour but de mesurer le troisième angle de mélange des neutrinos, θ13, auprès de la centrale nucléaire de Chooz (Ardennes). En parallèle, elle permettra d’évaluer l’intérêt d’une mesure précise du spectre en énergie des antineutrinos dans le cadre des missions de non prolifération de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
1. Enjeu scientifique
Le neutrino est une particule élémentaire interagissant très faiblement avec la matière. Il existe sous trois espèces différentes. Les neutrinos sont produits abondamment dans les étoiles comme le Soleil, dans l’atmosphère, mais aussi au cœur des centrales nucléaires. Ils ont la faculté de se métamorphoser d’une espèce dans une autre et trois paramètres caractérisent ce phénomène d’oscillation. Deux de ces paramètres ont déjà été mesurés par les expériences antérieures. Le troisième n’a qu’une limite supérieure, due à la première expérience Chooz. Sa mesure est cruciale, d’une part pour améliorer le modèle standard de la physique des particules, et d’autre part pour préparer les futures expériences ayant pour but de comprendre l’origine de l’asymétrie entre matière et antimatière dans l’Univers.
2. L’expérience Double Chooz
Double Chooz se propose de mesurer ce troisième paramètre par la comparaison précise des flux de neutrinos à deux distances différentes des cœurs de la centrale. Deux détecteurs identiques sont indispensables, l’un à environ 400 m et l’autre à 1 000 m des cœurs. Chaque détecteur occupe un cylindre (7 m de diamètre et de 7 m de hauteur). Ils doivent être protégés des rayons cosmiques par une couverture de roche (40 m pour le détecteur proche et 100 m pour le détecteur lointain). Le site souterrain de la première expérience de Chooz, à 1 km des cœurs, a pu être réutilisé. Grâce à lui, cette expérience a été la première expérience auprès de réacteurs nucléaires à voir l'oscillation neutrino cherchée, en 2011. Cela a été confirmé par les expériences concurrentes en 2012.
Pour abriter le détecteur proche, il a fallu construire un nouveau laboratoire souterrain, qui a été financé par le fonds européen FEDER, la région Champagne-Ardenne, le département des Ardennes, la communauté de communes Rives de Meuse, le CEA, le CNRS et EDF. Le détecteur lui-même est construit et sera en prise de données avant la fin de 2014.
3. Enjeu sociétal
La détection des neutrinos de réacteurs nucléaires n’intéresse pas que la physique fondamentale. Une des missions de l’Agence Internationale pour l'Énergie Atomique (AIEA) est de lutter contre la prolifération nucléaire. Un de ses objectifs est le contrôle du combustible des centrales nucléaires. Elle a émis en 2003 une recommandation demandant d'étudier la possibilité de surveillance du combustible contenu dans les réacteurs nucléaires, à l’aide des neutrinos. Le détecteur proche (à 400 m) pourrait servir de banc d’essai pour cette technique. En outre un tel détecteur offre une méthode tout à fait nouvelle pour mesurer avec précision la puissance thermique des réacteurs, au jour le jour.
4. Vers une mesure précise de l'oscillation
Le projet Double Chooz est une collaboration internationale entre le Brésil, la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Japon, les Etats-Unis, et la Russie. Aujourd’hui, une trentaine d’équipes travaillent pour réaliser et affiner les mesures. Les chercheurs de tous les pays membres viennent régulièrement à Chooz pour réaliser cette expérience. Il est prévu d'atteindre une précisions de 10% environ sur le paramètre d'oscillation des neutrinos.