Études sur la non-prolifération
En même temps que l’expérience Double Chooz précisera les mécanismes d’oscillation des neutrinos, l’enregistrement des mêmes données permettra de tester des utilisations originales et inédites des antineutrinos émis abondamment par les centrales nucléaires : peuvent-ils permettre une surveillance à distance du fonctionnement du réacteur ?
La puissance thermique
On connaît avec une bonne précision (1-2 %) le nombre d’antineutrinos qu’émet un réacteur nucléaire en fonction de sa puissance thermique. Cette dernière quantité n’est pas aisée à mesurer avec précision par les moyens classiques comme le réchauffement de l’eau de refroidissement ou la mesure des neutrons sortant du cœur. Les antineutrinos que rien n’arrête offrent une vision globale et instantanée de tout le réacteur : c’est donc une manière très complémentaire d’accéder à la puissance thermique. Cette application semble techniquement à portée de main.
Une aide pour la non-prolifération
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) s’est demandée si les informations emportées par les antineutrinos (quantité, énergie) ne lui permettraient pas de vérifier qu’une centrale civile n’était pas détournée de son fonctionnement normal pour fabriquer du combustible à des fins militaires. Toute centrale nucléaire brûle de l’uranium 235 mais produit aussi du plutonium 239 : ingrédient de prédilection pour une arme nucléaire. Une centrale civile brûle immédiatement ce plutonium 239 pour produire de l’énergie. Une utilisation malveillante consistera, par exemple, à préserver ce plutonium une fois produit.
Or, il se trouve que les antineutrinos émis lors de la fission d’un noyau de plutonium 239 sont un peu moins énergétique et moins nombreux que ceux émis lors de la fission d’un noyau d’uranium 235. Il y a donc là un moyen permettant en principe de discriminer entre un fonctionnement fortement plutonigène et un autre qui ne le serait pas. Il est nécessaire de quantifier cette possibilité de contrôle non intrusive pour en évaluer son utilité.