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Principe de la mesure de l'angle θ13 dans Double Chooz

Depuis la découverte des antineutrinos par Reines et Cowan en 1956 jusqu'à la mise en évidence récente de la disparition d'antineutrinos de réacteurs à grande distance (200 km) par l'expérience KamLAND au Japon, les expériences d'oscillation de neutrinos auprès de réacteurs nucléaires n'ont jamais quitté le devant de la scène. Elles exploitent les antineutrinos électroniques de faible énergie (2-10 MeV) produits au cours des désintégrations bêta lors des fissions nucléaires, sources de la production d’énergie au cœur des réacteurs.

Les réacteurs nucléaires sont des sources copieuses d’antineutrinos électroniques. Ces derniers sont susceptibles de se transformer périodiquement en antineutrinos d’une autre saveur au cours de leur propagation : c’est le phénomène d’oscillations de neutrinos recherché. Pour mettre en évidence cet effet, il faut mesurer les flux de neutrinos à différentes distances.

Le concept novateur de Double Chooz est d’utiliser deux détecteurs identiques de neutrinos. Le premier détecteur (dit « détecteur proche ») sera localisé entre 100 et 300 mètres des deux cœurs de la centrale de Chooz pour mesurer précisément le flux et le spectre énergétique des antineutrinos émis. Un nouveau laboratoire devra être construit à cet effet pour abriter le détecteur, en partenariat avec EDF qui a donné son aval à l’implantation de l’expérience sur le site de la centrale. Le second détecteur (dit « détecteur lointain ») sera localisé à 1 kilomètre des cœurs, dans la cavité déjà construite et aménagée par EDF pour la première expérience à Chooz, dans les années 1990. La disponibilité du site lointain constitue l’avantage principal de faire une deuxième expérience à Chooz.

Pour atteindre la précision voulue il faut minimiser les bruits de fond les plus nuisibles qui sont induits par le rayonnement cosmique naturel et les matériaux du détecteur (contraintes de basse radioactivité). Il est nécessaire « d’enterrer » les deux détecteurs. Le site du détecteur lointain est déjà construit sous 100 mètres de roche (l’équivalent de 300 mètres d’eau). Le détecteur proche devra quant à lui être protégé par environ 20 mètres de roche ou équivalent (enterré, et recouvert d’un monticule de terre ou de gravier).

Le principe de la mesure est de chercher une déviation à la loi en 1/D2 aux distances (D) des deux détecteurs qui serait directement imputable au phénomène d’oscillation des neutrinos ; l’observation et la mesure d’une telle déviation permettraient de remonter à la valeur de l’angle de mélange recherché. Comparativement aux meilleures expériences déjà réalisées dans ce domaine – la première expérience à Chooz en France, et l’expérience KamLAND au Japon – la nouvelle expérience d’oscillation de neutrinos de réacteurs devra réduire les erreurs systématiques de mesure du signal. Pour obtenir la sensibilité requise, l’ensemble des erreurs systématiques de cette mesure doit être ramenée au dessous du pourcent (entre trois et cinq fois plus faible que la première expérience à Chooz). C’est le défi technique de cette expérience. La comparaison directe entre les signaux des deux détecteurs présente l’avantage de minimiser un grand nombre d’effets systématiques détériorant la précision de la mesure de θ13. Des simulations ont été effectuées, et ont montré que l’objectif de l’expérience pouvait être atteint.

La détection des antineutrinos utilise la réaction anti-νe + proton donne positron (e+) + neutron. Le ralentissement du positon (e+), puis son annihilation, suivi quelques dizaines de µs plus tard du signal de la capture du neutron, signent cette réaction. L’énergie du positron doit être mesurée pour remonter à l’énergie de l’antineutrino incident.