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Les détecteurs

La contrainte majeure est de construire deux détecteurs tels que les cibles internes soient identiques (forme, volume, vieillissement, etc.). Dans les deux cas, les détecteurs doivent être construits à partir de matériaux très propres, compatibles chimiquement avec les liquides scintillants (aromatiques) et contenant de très faibles traces d’éléments radioactifs (principalement l’uranium, le thorium, le potassium, et le cobalt). L’architecture d’un détecteur est la suivante :

Figure 2: Schéma du détecteur Double Chooz, installé dans le site à 1 km des coeurs de la centrale de Chooz. La double enceinte acrylique qui constitue la cible du détecteur est représentée au centre). Elle contient un nouveau liquide scintillant dopé au Gadolinium pour faciliter la détection et réduire les bruits de fond. Le détecteur est vu par environ 500 tubes photomultiplicateurs (PMTs) qui sont supportés par une structure en acier INOX basse radioactivité. Les signaux des PMTs sont lus par des Flash ADC après une première mise en forme des signaux. Le détecteur est plongé dans un puits de 7 mètres de diamètre, et de 7 mètres de hauteur, dans lequel on dispose en premier lieu une couche de fer (basse radioactivité) de 20 cm de façon à ‘isoler’ le cœur du détecteur de la radioactivité de la roche environnante.

Région I : volume fiduciel

10 m3 (8 tonnes) de liquide scintillant dopé au gadolinium (Gd) sont contenues dans une enceinte cylindrique en acrylique (e= 0.8 cm, R=1.2 m et h = 2.8 m) qui doit être rigide, étanche, transparente aux photons (UV/Visible). Le liquide scintillant est d’un type nouveau : 20% de PXE, 80% de dodécane, et 0,1% de Gd dissous selon deux méthodes potentielles (au moyen d’acides carboxyliques ou de bêta diketones). Le liquide doit être stable, en transparence et en rendement de scintillation sur toute la durée de l’expérience. Il doit de plus être compatible à long terme avec l’acrylique. Ce liquide sera caractérisé en laboratoire avant l’expérience, et ses performances seront mesurées in-situ durant toute la durée de la prise de données.

Cette enceinte est le cœur du détecteur. Il est indispensable de connaître le nombre de protons libres de la cible à une précision de 0,2% (une des erreurs systématiques les plus importantes). Cela impose d’utiliser exactement le même liquide dans les deux détecteurs, et de faire une mesure du volume de la cible avec une précision de 0,2% (sans doute par un système de pesée au moyen de capteurs de forces). De plus, les dimensions des deux enceintes doivent être identiques (précision de 2 mm), et celles-ci ne doivent pas évoluer de plus que quelques millimètres au cours de l’expérience.

Cette enceinte doit de plus contenir de très faibles teneurs en uranium (10-11 g/g), thorium (10-11 g/g) et potassium (10-8 g/g). Il faudra donc surveiller toutes les étapes de l’approvisionnement en matière.

Système de calibration : des sources radioactives de très basse activité doivent être insérées dans les détecteurs. Une structure tubulaire permet des étapes fréquentes de calibration, tandis qu’un système plus élaboré devra être construit au sommet des détecteurs, composé d’un bras articulé. Ce système plus sophistiqué doit permettre de déployer des sources radioactives en tout point de la région I.

Région II : volume calorimètre à positron (ou g-catcher)

Une épaisseur de 55 cm de liquide scintillant enrobant la région I, est contenue dans une enceinte acrylique cylindrique (e=1.2 cm, R=1.8 m et h = 4.0 m) rigide, étanche et transparente aux photons de même type que celle de la région I, mais pas forcement de même épaisseur. Cette région comportera quelques tubes guidant des sources de calibrations radioactives. L’enceinte doit absolument être étanche sur toute la durée de l’expérience, empêchant ainsi toute diffusion du liquide de la zone I vers la zone II.

Cette région joue le rôle d’un calorimètre. Ainsi, l’ensemble du spectre en énergie des antineutrinos pourra être mesuré.

Remplissage et purification : Les régions I et II seront reliées à un système de remplissage et de purification des liquides scintillants. Ce système permettra en outre une purge des liquides avec de l’azote de grande pureté, en cours d’expérience.

Région III : le Buffer protégeant la cible de la radioactivité residuelle des tubes photomultiplicateurs

Une épaisseur de 115 cm de liquide non scintillant est contenue dans une enceinte rigide, étanche, opaque qui servira aussi de maintient à la structure porteuse des tubes photomultiplicateurs. 534 tubes photomultiplicateurs 8 pouces, couvrent une surface efficace de 15% de la surface interne de l’enceinte. Cette nouvelle configuration Région II + III permet de supprimer l’erreur systématique d’analyse qui dominait dans l’expérience Chooz, en réduisant l’impact des traces d’éléments radioactifs dans les matériaux au delà de l’enceinte Buffer et dans les PMTs.

Cette région est contenue par une enceinte en acier inox de basse radioactivité de 5 mètres de hauteur et de diamètre, et de 3 mm d’épaisseur. Cet acier inox ne doit contenir que de très faibles teneurs en uranium (10-10 g/g), et thorium (10-10 g/g).

Région IV : veto de muons

Une épaisseur de 50 cm d’huile minérale faiblement scintillante constitue le veto. L’épaisseur de cette région peut être augmentée si nécessaire pour le détecteur proche. La région veto est observée par une centaine de tube photomultiplicateurs. L’intérieur du veto est recouvert d’une peinture réfléchissante sur la face externe (côté fer) et d’une feuille réfléchissante (côté INOX) pour limiter les pertes de lumière.

Blindage contre la radioactivité des roches environnantes :

17 cm de fer sont nécessaires dans le cas du détecteur lointain. Ce blindage est indispensable pour protéger l’intérieur du détecteur de la radioactivité des roches qui entourent le puits. Ce blindage peut prendre une forme différente pour le détecteur proche puisque la taille du puits qu’il faudra construire n’est pas encore figée (une épaisseur plus importante d’eau pure par exemple)

Cet élément de détecteur permet d’augmenter la réjection des bruits de fond induits par les muons. Il permettra de corréler les bruits de fond induits par les neutrons dans le cœur du détecteur aux gerbes de muons qui passent dans la roche à coté des zones instrumentées, en générant des neutrons rapides qui peuvent pénétrer dans la zone sensible. Ce détecteur sera constitué de chambres à gaz proportionnelles tubulaires ou de scintillateur plastique.

L’électronique et l’acquisition :

L’électronique d’acquisition est standardisée pour ce type de détecteurs comprenant environ 700 voies. La digitalisation est effectuée par de nouveaux modèles de Flash ADC ; elle est délocalisée à l’extérieur du détecteur ; seules les bases des tubes photomultiplicateurs seront immergées dans le détecteur. Le contrôle du temps mort de l’électronique doit être réalisé de façon minutieuse, à prendre en compte dès le début de l’expérience.

L'électronique

Le nombre de photoélectrons produits par chaque photomultiplicateur (PM) est, pour 1MeV déposé dans la cible, de l'ordre de 1; les PM ayant un gain de l'ordre de 107, on attend donc une charge de l'ordre de 1 à 2 pC. Ce signal dure quelques ns et culmine à quelques mA. Pour chacun des 700 PMTs (cible + veto), un amplificateur de gain 10 à 20 amène le signal à un niveau où il peut être numérisé avec précision. Pour diverses raisons, dissipation de chaleur, impossibilité de maintenance, seuls les PMTs seront immergés dans le scintillateur; le reste sera installé à l'extérieur du détecteur.

L'acquisition

Le choix du système de numérisation répond à plusieurs critères: absence de temps mort induit par l'acquisition des données, simplicité maximum du déclenchement, possibilité de filtrages sophistiqués en ligne, pour permettre d'étudier, non seulement les antineutrinos, mais aussi toutes sortes de bruits de fond potentiels. La solution retenue consiste à numériser les signaux analogiques à l'aide de convertisseurs analogique-numérique rapides (flash-ADCs) à la fréquence de 500 MHz. D'autre part, la somme analogique de tous les canaux de la cible et celle de tous les canaux du veto sont analysées par des comparateurs pour produire un signal de déclenchement lorsque l'énergie observée dépasse 0,5 MeV dans la cible ou 5 MeV dans le veto. Lors d'un déclenchement, l'enregistrement des 2 µs précédentes est transféré instantanément dans une mémoire FIFO pour être lue par un ordinateur. Le rythme de déclenchement attendu est de l'ordre de 4000 par seconde pour le détecteur proche, principalement dû aux muons d'origine cosmique.

Expertise dans la numérisation par flash-ADC

Le groupe du laboratoire APC a aquis depuis plus de 10 ans une expertise dans le domaine de la numérisation avec des flash-ADC en développant, en collaboration avec la société CAEN, et en déployant de tels systèmes sur deux détecteurs, Chooz et Borexino. C'est avec le modèle développé pour Borexino qu’a été obtenu pour la première fois l'absence totale de temps mort, donc une disponibilité de 75% de l'acquisition de données. Les fonctionnalités du modèle en cours de développement pour Double-Chooz seront identiques mais ses performances seront améliorées et son coût devrait être divisé par 3.

Instrumentation du détecteur :

L’objectif est de contrôler la géométrie, le volume de la cible, la température des régions I et II, et la stabilité du liquide scintillant dopé au gadolinium. La réponse du détecteur sera contrôlée périodiquement à l’aide d’un système de calibration permettant de déployer des sources radioactives ainsi que des signaux lumineux (LEDs) à l’intérieur de la cible.

Intégration :

Le besoin de soigner l’intégration des détecteurs réside dans la difficulté d’accès au laboratoire par un tunnel, et les volumes autorisés par le laboratoire existant (détecteur lointain). Les détecteurs devront de plus être intégré dans un environnement propre de type salle blanche.